Retraite supplémentaire – Tables de mortalités non genrées
Table de mortalité unisexe pour les régimes de retraite supplémentaire
Dans le cadre d’une mise en conformité avec le droit européen, la loi Industrie verte, parue le 24 octobre 2024, impose aux organismes assureurs d’utiliser une seule table de mortalité pour les hommes et les femmes pour tous les contrats d’assurance collective mis en place pour couvrir un régime « L911-1 » du code de la Sécurité sociale (régimes complémentaires à la Sécurité sociale mis en place par la convention collective, un accord d’entreprise, un référendum ou une décision unilatérale de l’employeur). Cette obligation s’applique notamment aux contrats de retraite supplémentaire (cotisations définies – Article 83 du CGI ou prestations définies Article 39 du CGI).
Pour mémoire : Lorsqu’un capital est converti en rente viagère, l’assureur utilise des paramètres techniques (table de mortalité et taux d’intérêt financier, dit « taux technique ») très encadrés par la réglementation. Avant la loi industrie verte, les codes en vigueur (assurance, sécurité sociale et mutualité) permettaient aux organismes assureurs d’utiliser des tables de mortalité différentes pour les hommes et les femmes et proposaient des tables de mortalité genrées, par génération : les tables TGH05 (Hommes) et TGF05 (Femmes). Afin de refléter au mieux la réalité du risque, les assureurs utilisaient ces tables genrées qui se traduisaient par une différence de traitement entre les hommes et les femmes. Pour un capital identique, la rente d’une femme était inférieure à celle d’un homme (ce qui reflétait le fait que l’espérance de vie d’une femme est supérieure à celle d’un homme au même âge). La différence était variable en fonction de l’âge : à des âges habituels de liquidation de retraite, la rente d’une femme était inférieure de 8% à 12%. La différence était très inférieure si les rentes mises en place étaient, en tout ou partie, réversibles au profit du conjoint (entre 3% et 5% si la rente était réversible à 60%).
La loi « industrie verte » impose aux organismes assureurs d’appliquer une seule table de mortalité à tous les contrats conclus, adhésions effectuées, et tacites reconductions à compter de son entrée en vigueur (24/10/2024).
Il subsistait une incertitude quant à la table de mortalité que les organismes assureurs allaient utiliser. L’arrêté (NOR : ECOT2426307A) du 18 novembre, paru le 22 novembre, entré en vigueur le 23 novembre, publie une table de mortalité unique (non genrée)(1) , que nous baptiserons TGHF05, construite à partir des deux tables genrées antérieures, avec une proportion de 60% d’hommes et 40% de femmes (proportion qui reflète la composition moyenne des portefeuilles des organismes assureurs). Les organismes assureurs peuvent désormais utiliser cette table unique (même s’ils restent libres, sous certaines conditions(2), d’appliquer d’autres tables de mortalité, dès lors qu’il s’agit de tables non genrées).
(1) Cette nouvelle table reste une table prospective par génération qui fournit en fait une table par année de naissance et qui anticipe les améliorations de mortalité
(2) Tables au moins aussi prudentes que les tables « officielles » (la table TGHF05), certifiées par un actuaire indépendant de l’organisme assureur, agréé à cet effet par l’une des associations d’actuaires reconnues par l’Autorité de contrôle prudentiel.
Nous illustrons ci-dessous les impacts de ces modifications :
Exemple pour une rente annuelle à terme échu, sans aucun frais, liquidée en 2025, avec un taux d’intérêt financier dit « taux technique » de 1,75% (correspondant au taux maximum légal au jour de l’arrêté). La réversion, lorsqu’elle s’applique, est de 60% au profit d’un conjoint de sexe opposé et du même âge. Les tableaux ci-dessous indiquent les rentes qui résultaient des précédentes tables de mortalité et des nouvelles tables de mortalité pour un capital de 1 000 €.
Tables de mortalité genrées (TGH05-TGF05) | Table unique homme/femme (TGHF05) | |||||
Rente non réversible | Rente réversible | Rente non réversible | Rente réversible | |||
Age | Homme | Femme | Homme | Femme | ||
45 ans | 32,08 | 30,62 | 29,99 | 29,47 | 31,48 | 29,88 |
50 ans | 35,00 | 33,06 | 32,35 | 31,66 | 34,20 | 32,20 |
55 ans | 38,82 | 36,16 | 35,37 | 34,44 | 37,71 | 35,16 |
60 ans | 43,88 | 40,23 | 39,33 | 38,09 | 42,34 | 39,05 |
65 ans | 51,04 | 45,85 | 44,77 | 43,06 | 48,81 | 44,38 |
70 ans | 61,48 | 53,92 | 52,52 | 50,12 | 58,17 | 51,96 |
75 ans | 77,09 | 66,07 | 63,92 | 60,57 | 72,13 | 63,11 |
Variation | ||||||
Rente non réversible | Rente réversible | |||||
Age | Homme | Femme | Homme | Femme | ||
45 ans | – 1,87% | + 2,80% | – 0,37% | + 1,40% | ||
50 ans | – 2,29% | + 3,43% | – 0,46% | + 1,70% | ||
55 ans | – 2,86% | + 4,29% | – 0,58% | + 2,09% | ||
60 ans | – 3,51% | + 5,25% | – 0,70% | + 2,53% | ||
65 ans | – 4,35% | + 6,48% | – 0,87% | + 3,07% | ||
70 ans | – 5,37% | + 7,89% | – 1,06% | + 3,68% | ||
75 ans | – 6,43% | + 9,17% | – 1,28% | + 4,18% |
Ces nouvelles dispositions s’appliquent à tous les contrats de retraite supplémentaire :
- Contrats à cotisations définies (Article 83 du CGI, PER obligatoire) : la conversion du capital accumulé sur le compte individuel du salarié se fera avec ces nouvelles tables de mortalité
- Contrats à prestations définies (Article 39 du « CGI ») :
- Anciens régimes L137-11-1 (régimes à droits aléatoires, conditionnés par l’achèvement de la carrière dans l’entreprise) : la plupart du temps, au moment ou un bénéficiaire liquide ses droits, l’employeur transfère l’engagement à l’assureur par prélèvement du capital constitutif de la rente sur un fonds collectif. Le capital constitutif sera dorénavant calculé avec ces nouvelles tables.
- Nouveaux régimes L137-11-2 (régimes à droits certains) : chaque année l’employeur attribue des rentes en euros aux salariés (rentes définitivement acquises) et doit couvrir l’engagement qui en découle à au moins 80%, notamment par un contrat d’assurance. Les contrats mis en place par les assureurs pour satisfaire à cette obligation sont des contrats en « fonds collectifs » type « Article 39 » du CGI. Au moment de la liquidation, l’assureur prélève sur le fonds le capital constitutif de la rente à liquider. Toutefois l’assureur doit garantir à minima 50% des droits acquis par l’ensemble des bénéficiaires, même dans le cas où l’employeur serait défaillant. Tous les capitaux constitutifs seront maintenant calculés avec les nouvelles tables non genrées (capital au moment de la liquidation, couverture minimum de 50% que l’assureur doit garantir et couverture minimum de 80% que l’employeur doit garantir).
Commentaires de la rédaction :
- Il reste des cas pour lesquels l’arrêté n’apporte pas de réponse claire :
- Cas des contrats résiliés avant l’entrée en vigueur de la loi, mais pour lesquels il reste des rentes non encore liquidées : les rentes acquises avant le 24/10/2024 doivent-elles également être calculées avec les nouvelles tables de mortalité ?
- Cas des contrats en « RVD » dont la table de mortalité avait été garantie au moment de la souscription du contrat. On comprend bien que ces contrats ne peuvent pas continuer de s’appliquer en l’état pour les nouvelles rentes, mais qu’en est-il des rentes acquises avant le 24/10/2024 ? Quelle forme prendra la modification du contrat (l’assureur doit-il résilier l’ancien contrat pour en mettre un nouveau en place ou peut-il, au sein du même contrat, gérer des rentes qui seraient établies sur des tables genrées pour les rentes acquises avant le 24/10/2024 et des rentes établies sur la nouvelle table non genrée pour les rentes acquises après) ?
- Même si c’est bien le cas, il est assez surprenant que cette nouvelle réglementation s’applique également aux régimes à prestations définies. En effet, l’esprit de la loi est de ne pas faire de discrimination entre les hommes et les femmes au titre des régimes de retraite supplémentaire. Or, les rentes garanties par les régimes à prestations définies ne dépendent jamais du sexe du bénéficiaire. La différence de sexe était exclusivement supportée par l’employeur à travers le paiement de cotisations différentes qui sont toujours à 100% à charge de l’employeur.
- Cette nouvelle réglementation n’a pas d’impact sur les contrats de type « IFC » qui visent à couvrir le paiement d’une prestation en capital (indemnité de départ à la retraite ou de fin de carrière).